Visioconférence de Philippe Clowez,
Mycologue, pharmacien à Pont Lévèque (Oise)
Philippe
Clowez : Les intoxications sont de
plus en plus fréquentes à l’heure actuelle. La normalité actuellement
est de ne pas être allergique au pollen ou aux toxines. Dans quelques années,
la normalité sera d’être allergique car compte tenu de la pollution,
il y a de plus en plus d’allergies. Cette allergie se traduit également
lors de l’ingestion alimentaire. Dans quelques années, certaines
personnes pourraient devenir allergiques aux champignons. Il y a aussi
certaines personnes qui ne digèrent pas des substances comme la
cellulose. La trompette de la mort, une espèce courante dans nos forêts,
quand elle est consommée en trop grande quantité peut provoquer un amas
de fibres qui peut provoquer une boule de fibres à l’origine d’une
occlusion intestinale. Vous voyez donc qu’un champignon comestible peut
devenir dangereux si il est consommé en trop grande quantité. En tant
que pharmaciens, nous recommandons aux gens de ne pas consommer plus de |
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En plus des problèmes de toxines, s’ajoute la contamination radioactive des champignons. Le césium radioactif de l’accident de Tchernobyl a une demi-vie de plus de 100 ans et continue donc de façon durable à être toxique sur une grande partie de l’Europe. Personnellement, je n’ai jamais été intoxiqué car je connais les champignons à éviter et j’en consomme modérément. Par contre, mon père a été intoxiqué avec un champignon qui ressemble à un rosé des prés qui peut être confondu avec l’Agaric xanthoderma, l’agaric à chair jaune. Mon père a mangé ce champignon et a eu les mêmes symptômes que ceux liés au bolet de Satan, provoquant des troubles digestifs, des diarrhées et une baisse de tension.
Lycée Jules Uhry : Nous nous sommes intéressés, cette année, au bolet de Satan. Ce champignon est parfois indiqué comme mortel, parfois toxique. Pouvez-vous nous donner votre avis ?
Philippe Clowez : Au niveau de la toxicologie, le bolet de Satan n’est pas donné comme une espèce mortelle. Il n’y a pas de cas de mortalité connue à ce jour. En revanche, il y a eu un cas d’une famille de l’Oise qui a subi une intoxication à ce champignon. Le syndrome résinoïdien qui caractérise le bolet de Satan correspond à des troubles intestinaux, diarrhée, vomissement, état de stupeur, bradycardie, c'est-à-dire un ralentissement du cœur, sueur froide. C’est surtout des troubles à court terme, qui apparaissent en moins de 6 heures. Les intoxications qui apparaissent en plus de 6 heures comme celle de l’amanite phalloïde est souvent plus grave car la toxine a eu le temps de faire beaucoup de dégâts dans l’organisme, en particulier hépatiques et rénaux. |
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Dans le cas du bolet de Satan, les troubles apparaissent au bout d’un demi-heure sous forme de nausées, de sueurs froide, diarrhées et disparaissent dans les 24 heures. Après, tout dépend de l’état de santé de la personne, si c’est une personne jeune, ou au contraire âgée ; pour les personnes qui on une insuffisance rénale, le problème sera aggravé. Souvent, l’intoxication nécessite l’hospitalisation de la personne. Du charbon actif lui est administré pour absorber les substances toxiques.
Lycée Jules Uhry : Pouvez-vous nous dire quelles sont les espèces les plus dangereuses et celles qui sont responsables du plus grand nombre d'intoxications dans l'Oise ?
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Philippe Clowez : J’ai discuté avec le médecin responsable des intoxications au CHU de Lille hier et je lui faisais part de l’historique des intoxications que j’avais par rapport à l’amanite phalloïde. Il me disait qu’effectivement, ce n’est plus actuellement l’amanite phalloïde qui est responsable de la majorité des intoxications. Tous dépend de la saison à laquelle vous vous trouvez. Par exemple, en début d’année, en mars /avril, les principales intoxications sont dues à des champignons printaniers comme les morilles. Ces champignons présentent également un syndrome résinoïdien, comme le bolet de Satan. La morille est toxique quand elle est consommée crue. Généralement, il ne faut jamais consommer des champignons crus car ils présentent presque tous des toxines qui sont thermolabiles, qui sont détruites à la chaleur de la cuisson. |
En automne, l’amanite
phalloïde est responsable de 70% des intoxications. Ce champignon a un petit
goût de noisette qui pousse les gens à le consommer. Il faut savoir que
Deux autres espèces peuvent être à l’origine d’intoxications. Le paxille enroulé qui est aussi appelé le champignon roulette russe. On peut en manger 49 fais sans problème et la cinquantième fois on décède. Dans le cas du paxille enroulé, vous avez une première réaction avec la fabrication d’anticorps qui va provoquer une allergie contre ce champignon. La seconde fois qu’on ingère ce champignon, il va y avoir une combinaison chimique entre ces anticorps et les toxines du champignon qui vont faire éclater les globules rouges.
La seconde espèce toxine qu’on me ramène à l’automne est l’agaric jaunissant, agaric xanthoderme, qui génère des troubles digestifs.
Lycée Jules Uhry : Y a-t-il un vaccin ou un traitement contre les intoxications au bolet de Satan ou d'autres champignons toxiques ?
Philippe Clowez : Pour mettre un vaccin au point, c’est très long (plusieurs mois à plusieurs années) et très cher. Aucun vaccin n’a été mis eu point contre les toxines de champignons. En plus, le principe actif, les molécules toxiques du champignon, ne sont pas toujours très bien définies. Par contre, les traitements symptomatiques sont bien au point. Premièrement, il ne faut jamais faire vomir la personne pour éviter de brûler les voies respiratoires. Le charbon actif qui absorbe les toxiques est souvent préconisé. Ce qui est essentiel dans les intoxications c’est la réhydratation de la personne en perfusion si c’est nécessaire, du glucose à 5% et du sérum physiologique. Dans le cas de l’amanite phalloïde, on peut donner de la vitamine C ou de l’ercéfuril.
Lycée Jules Uhry : Les animaux qui mangent des bolets de Satan sont-ils malades ? Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Philippe Clowez : En fonction du tube digestif des animaux, les toxines sont supportées ou non. Cela résulte de processus évolutifs.
La bolésatine, la toxine qui est active dans le cas du bolet de Satan, n’a pas d’activité au niveau de l’ARN comme la ricine, qui est une plante. La bolésatine a été protégée par un brevet pour des applications médicales. Le principe actif de cette toxine est intéressant dans le domaine des cultures cellulaires, comme pour son effet mutagène, dans le domaine de la chimiothérapie et comme anti-tumoral contre le cancer.
Lycée Jules Uhry : Y a-t-il des caractères qui permettent de reconnaître à coup sûr des champignons toxiques sur le terrain ?
Philippe Clowez : La majorité des gens ramassent une dizaine d’espèces où aucune confusion n’est possible, entre les cèpes, les chanterelles, les trompettes de la mort,… tout le monde les reconnaît. Pour les autres champignons, il n’y a pas de signe commun de toxicité. Seule la connaissance précise des champignons toxiques permet d’éviter les intoxications. En moyenne, il faut une quinzaine d’années de formation pour être certain de ses déterminations. Il faut savoir qu’en tant que pharmacien, nous avons une responsabilité pénale par rapport à la détermination des champignons. Même si une espèce comestible est contaminée par une bactérie, le pharmacien qui a identifié le champignon peut être mis en cause et condamné.
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Lycée Jules Uhry : Que pensez-vous des gens qui écrasent les champignons toxiques ? Quel est leur rôle en forêt ?
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Philippe Clowez : Que ce soit un insecte, un champignon, bon ou pas, on n’a pas à l’écraser. La vie sur Terre est une vaste toile d’araignée et si on retire une maille, c’est l’équilibre complet de la toile qui est menacé. Ces équilibres ont mis des millions d’années à se mettre en place et ils sont fragiles. Certains champignons, mêmes toxiques sont quelquefois mycorhiziens, c’est-à-dire qu’ils sont liés à l’arbre dans une symbiose. Le champignon fournit l’eau et des substances à l’arbre qui en tire bénéfice dans sa croissance et l’arbre fournit des sucres au champignon pour son développement. Détruire les champignons, c’est réduire le développement d’une forêt. |