La thérapie génique et l'amaurose congénitale de Leber

 

 

Le Téléthon est une opération de récolte de fonds publics qui a pour but de financer des recherches biomédicales. Ces financements ont permis de financer des recherches sur des maladies génétiques et en particulier le travail de notre laboratoire sur les maladies génétiques  rares que l'on appelle aussi des maladies orphelines. Notre travail consiste à traiter par thérapie génique une maladie génétique rare cécitante (qui rend aveugle) pour les enfants : l'amaurose congénitale de Leber.

 

 

Je vais rappeler ce qu'est une maladie génétique, ensuite j'expliquerai ce qu'est la thérapie génique. 

Je vous expliquerai alors comment se déroule un projet de recherche biomédicale comprenant des expérimentations animales. La réglementation est très stricte et les protocoles bien établis.

Je vous expliquerai ensuite quelques aspects de la maladie sur laquelle je travaille et la thérapie génique que nous avons mise en place.

Pour illustrer mes propos, vous allez ensuite voir un film qui a été tourné dans notre laboratoire au moment du Téléthon 2006.

Nous aurons ensuite un moment d'échanges avec des questions libres.

 

 

Le corps humain est composé d'un très grand nombre de cellules et au cœur de chacune de ces cellules à l'intérieur du noyau, on trouve la molécule d'ADN. C'est une molécule très longue, support de l'information génétique. Cette molécule va pouvoir se condenser sous la forme de chromosomes visibles sous le microscope. Chez l'homme, on a 23 paires de chromosomes dont une paire de chromosomes sexuels (XY). Chez la femme, il existe aussi 23 paires de chromosomes mais avec des chromosomes sexuels différents (XX). Sur la diapositive présentée, vous pouvez distinguer les différents gènes disposés sur les chromosomes. La maladie génétique peut apparaître lorsqu'un de ces gènes présente une modification, une anomalie.

 

 

Pour utiliser une métaphore simple, on sait que l'ADN est le support de l'information génétique. L'ADN peut être comparé à un grand texte composé de phrases. Les phrases sont elles-mêmes composées de mots. Les chromosomes sont composés de gènes accolés les uns aux autres. Dans notre métaphore, les mots ont un sens et c'est ce qui permet de comprendre les phrases et le texte en général. En génétique, le gène est une usine à fabriquer les protéines qui seront utilisées pour le fonctionnement du corps. Une mutation génétique est une faute de frappe. L'ADN est composée de 4 bases (A,T,G et C). Un mutation génétique c'est quand une de ces bases, A par exemple, est remplacée par C ou G par T, etc... Dans ces cas- là, soit la mutation est sans conséquence, c'est à dire que la faute de frappe permet de comprendre le sens global du mot et de la phrase (ex : il pleud au lieu de il pleut - le sens de la phrase est comprise) ou non comprise (ex : mailon au lieu de maison - le sens du mot n'est plus compris). La maladie génétique correspond à une mutation dans un gène qui engendre une protéine qui ne va plus être fonctionnelle du tout, qui ne va plus jouer son rôle dans l'organisme.  

 

 

La thérapie génique a été mise en place récemment, depuis 10 / 15 ans.

Sur le schéma, la croix rouge représente la mutation d'un gène qui rend non fonctionnelle une protéine. La thérapie génique consiste à amener la copie d'un gène sain (case verte) pour remplacer ce gène muté. La protéine est de nouveau synthétisée et la maladie est soignée. Pour cela il y a deux possibilités :

* la microchirurgie du gène. Le gène sain vient directement remplacer le gène défaillant dans le chromosome.

* apporter une copie supplémentaire du gène sain sans enlever le gène défaillant.

Une des difficultés en thérapie génique est de trouver un vecteur, c'est- à- dire un véhicule qui va amener le gène médicament de la paillasse de laboratoire où nous l'avons fabriqué à l'intérieur de la cellule où il va jouer son rôle dans le traitement de la maladie. Pour cela on utilise des virus désactivés  

 

 

Un virus est composé d'une enveloppe représentée sur le schéma par un polygone avec, à l'intérieur, le génome du virus. Ce génome est composé de gènes viraux qui vont synthétiser des protéines qui vont être agressives pour l'organisme, responsables de la maladie. Ce n'est absolument pas l'effet que nous recherchons. Nous allons utiliser toute la machinerie que le virus utilise pour l'infection  quand vous êtes malade, mais au lieu d'exprimer des protéines qui sont néfastes pour l'organisme, on va remplacer ces gènes viraux par notre gène médicament ; c'est le principe du cheval de Troie.

Quand un virus infecte votre organisme, il va déployer des sortes de "tentacules" qui vont venir s'accrocher à vos cellules. Les membranes de vos cellules et du virus fusionnent alors et l'ADN viral rentre dans vos cellules. On obtient alors une cellule avec l'ADN contenant le gène muté (on n'y a pas touché, elle reste présente) mais à côté de cela; on a introduit une copie supplémentaire du gène sain. 

 

 

Avant de passer à l'application pratique de la thérapie génique, il m'a semblé nécessaire de vous rappeler comment se déroule un projet de recherche biomédical.

Avant que le médecin vous prescrive un médicament, il y a énormément d'étapes qui doivent être respectées. 

Lorsque dans nos laboratoire on a trouvé un traitement, la première phase est la phase pré-clinique. Les médicaments sont testés sur des animaux de laboratoire - sur des petits animaux (souris, rats ou lapins) dans un premier temps puis sur des gros animaux plus proches de l'homme (le singe, le chien le porc).

Lorsqu'on a prouvé l'efficacité du médicament, on réalise des tests de toxicité chez les primates (les plus proches de l'homme ) pour vérifier que le médicament n'a pas d'effet néfaste sur l'organisme.

Lorsqu'on a prouvé la non toxicité du médicament, on peut passer à l'essai clinique sur l'homme. Là encore c'est long et compliqué. 4 phases : toxicité chez des individus sains / évaluation de l'effet thérapeutique / évaluation sur un grand nombre de patients / commercialisation.   

Dans notre cas, nous en sommes aux essais cliniques sur l'être humain

 

 

Nous travaillons dans notre laboratoire sur une maladie qui s'appelle l'amaurose congénitale de Leber. C'est une maladie orpheline qui touche une centaine de patients en France. La thématique de notre laboratoire concerne l'ophtalmologie, c'est un type de rétinite pigmentaire. Certaines cellules de la rétine qui s'appellent des photorécepteurs de la rétine vont transformer le signal lumineux qui parvient sur la rétine en signal électrique  qui va ensuite passer par les voies optiques jusqu'au cortex visuel (à l'arrière du  cerveau) où il sera interprété en image. Dans la maladie étudiée, les photorécepteurs de fonctionnent plus. Le patient devient aveugle entre 2 et 15 ans. Actuellement, il n'existe pas de traitement thérapeutique pour cette maladie. C'est pourquoi nous avons commencé à mettre en place une thérapie génique. La chance que nous avons est qu'il existe pour cette maladie un modèle animal qui développe la même maladie cécitante. En effet, les chiens Briard développent dès la naissance la même maladie que les enfants. Ce n'est pas un modèle induit (on n'inocule pas la maladie à l'animal). On les a donc utilisé pour tester nos médicaments de thérapie génique.

 

 

 

La difficulté dans la thérapie génique est d'amener le vecteur dans lequel a été introduit le gène médicament dans la bonne cellule. Pour cela, dans l'amaurose congénitale de Leber, on cible les cellules de la rétine. On réalise ainsi une injection sous-rétinienne, c'est un acte chirurgical effectué par un chirurgien ophtalmologiste et qui consiste avec un seringue, à venir injecter le gène médicament dans son vecteur directement au niveau des cellules de la rétine. On réalise ainsi un transfert de gène. Les cellules malades auront une copie supplémentaire du gène médicament et le but est de rétablir l'expression normale de la protéine fonctionnelle pour que le chien retrouve la vue.

 

 

 

Pour évaluer l'efficacité de ce traitement, on a recours à 2 tests médicaux : des tests médicaux pour vérifier que la rétine a retrouvé une activité électrique normale, que les vaisseaux ont retrouvé une forme normale mais aussi des tests comportementaux : ces derniers tests permettent de savoir si les signaux émis par la rétine sont correctement interprétés par le cerveau, en fait si la vue est rétablie. Pour le chien, ces tests comportementaux consistent à faire passer le chien par un parcours d'obstacles. Avant le traitement, le chien ne voit pas du tout les obstacles et c'est vraiment un jeu de quilles, tous les obstacles sont renversés. Le chien aveugle se cogne, hésite, il n'arrive pas à passer les obstacles. Après traitement (injection du vecteur contenant le gène médicament), le chien n'a plus aucune difficulté à franchir les obstacle et la fonction visuelle est totalement rétablie. Actuellement, nous avons plus de 15 chiens en traitement au laboratoire. Les premiers animaux injectés qui sont aujourd'hui guéris depuis presque deux ans, ont retrouvé une vision presque normale et ont une autonomie complète.    

 

 

Maintenant que le traitement a été prouvé efficace, nous allons passer au traitement des enfants. Pour réaliser un essai clinique chez l'homme, ce n'est pas simple, ça demande beaucoup de temps et ça demande beaucoup d'argent. Pour vous donner un exemple, nous avons besoin de 3 millions d'euros qui sont donnés exclusivement par le Téléthon. Actuellement, nous en sommes au test de toxicité chez les singes macaques. Nous injectons notre vecteur thérapeutique sur des animaux non aveugles, et nous vérifions qu'il n'y a pas d'effet nocif, délétère sur la rétine et sur l'œil en général. En même temps, nous sommes aussi en train de traiter les patients. Comme c'est une maladie orpheline, ce n'est pas évident de trouver suffisamment de patients dans la bonne tranche d'âge et qui présentent la bonne mutation sur le bon gène.

Actuellement, nous possédons le vecteur médicament, nous avons les patients, nous sommes en train de constituer les dossiers  avec l'agence des médicaments et l'objectif est de traiter le premier patient d'ici septembre 2009 et les 10 autres patients dans l'année qui suivra.

 

 

Voici notre équipe de Nantes.

Vous allez voir maintenant un film réalisé dans notre laboratoire à l'occasion du Théléton 2006

Voir la vidéo tournée dans le laboratoire de Nantes

 

Questions : Suite à la piqûre dans l'œil, le liquide à l'intérieur de l'œil, le vitré,  reste-il dans l'œil ?

L'intervention commence par une vitrectomie, c'est -à -dire que l'humeur aqueuse qui est à l'intérieur de l'œil que l'on appelle le vitré va être retiré. Concrètement, on va réaliser deux petits trous de chaque côté de l'œil dans l'un on rentre une pompe qui aspire le vitré et dans l'autre trou une autre pompe injecte du liquide physiologique. Pour pouvoir intervenir sur la rétine, on a besoin que temporairement la pression exercée par le vitré sur la rétine soir un peu diminuée. Un troisième petit trou est réalisé et on y introduit une très fine aiguille avec une lumière endoscopique pour permettre de voir à l'intérieur de l'œil. La seringue injecte alors la solution médicament sous la rétine et en 24 / 48 heures, la rétine va se recoller . La cicatrisation de la rétine et des trous de la rétine est très rapide.

 

Question : Au bout de combien de temps le chien retrouve la vue ?

Le temps d'expression de la protéine normale est variable. Sur les chiens que nous avons soigné, l'activité électrique de la rétine a été retrouvée entre 2 et 5 semaines après l'opération. Cependant, les tests comportementaux sont plus longs au bout de 2 mois environ. Il y a un délai supplémentaire  pour la rétine fonctionne de nouveau et que le cerveau puisse voir les images. Il y a un délai entre l'expression de la protéine et le retour de la fonction visuelle. On peut dire que 3 mois après l'injection, les animaux ont retrouvé la vision qui se stabilise dans le temps.

 

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